Bilangues

Réforme du col­lège: «Les pro­fesseurs d’allemand sont sacrifiés»

Notre con­tributrice est pro­fesseur d’allemand depuis plus de vingt ans. Elle red­oute que la réforme du col­lège voulue par la min­istre de l’Education ne con­duise à raboter les heures con­sacrées à l’enseignement des langues vivantes.

«Comme beau­coup de mes col­lègues pro­fesseurs d’allemand, j’ai mené et mène tou­jours de nom­breux pro­jets: voy­age, jume­lage, pièce de théâtre… Autant d’aventures mar­quantes pour les élèves, comme pour moi. Je tra­vaille dans un étab­lisse­ment avec des classes bilangues anglais/​allemand de la 6ème à la 3ème, et des sec­tions européennes en alle­mand et en espag­nol, en 4ème et 3ème.

Il y a deux ans, le col­lège dis­pen­sait encore 28 heures heb­do­madaires d’allemand. Cette année, nous sommes passés à 24 heures. Nous n’avons gardé qu’une sec­tion bilangue en 6ème à 28 élèves et ne pro­posons plus qu’une heure trente au lieu des deux heures habituelles de classe européenne en rai­son d’une enveloppe horaire tou­jours plus réduite. Car quand il y a pénurie, on com­mence par raboter les matières optionnelles.

Mais avec la réforme des col­lèges pro­posée par Madame Najat Vallaud-​Belcacem qui dit en préam­bule con­sid­érer «l’amélioration des com­pé­tences des élèves en langues étrangères» comme «une pri­or­ité», il ne s’agit plus seule­ment d’un coup de rabot. C’est une véri­ta­ble hémorragie.

Con­tre la sup­pres­sion des classes bilangues

Avec le pro­jet de loi sur la réforme du col­lège, tous les élèves com­menceront la deux­ième langue (LV2) en 5ème, ce qui implique la sup­pres­sion de nos classes bilangues. Lors d’une inter­ven­tion publique, la Min­istre a aussi con­damné les sec­tions européennes, d’après elle trop élitistes.

Au final, si ce pro­jet est voté tel quel, le total des heures dis­pen­sées en alle­mand dans notre col­lège passera de 21 heures par semaine à seule­ment 6 heures. Ceci alors que Madame la Min­istre pré­tend qu’aucune heure ne sera per­due avec la réforme.

Cette réforme est un désas­tre pour toutes les langues, désas­tre qui avait déjà été amorcé en 2010 avec la réforme des lycées et qui sup­pri­mait des heures de LV1 et de LV2. Seule la sec­tion Lit­téraire a une enveloppe glob­ale pour les langues plus raisonnable –à con­di­tion de ne plus faire de math­é­ma­tiques du tout. Et je ne parle pas des coef­fi­cients alloués aux langues vivantes au bac, ridicule­ment bas, qui mon­trent eux aussi la «grande impor­tance» accordée aux langues…

Pri­or­ité langues étrangères?

Com­ment ose-​t-​on pré­ten­dre vouloir val­oriser les langues quand on sup­prime tous les dis­posi­tifs qui per­me­t­tent de pro­gresser? Si les Français ne bril­lent pas en langue ce n’est pas une fatal­ité, pour pro­gresser il suf­fit de s’en don­ner les moyens. Et qu’on cesse de taper sur les pro­fesseurs de langue qui font ce qu’ils peu­vent face à 28 élèves au col­lège et 35 au lycée !

La sec­onde propo­si­tion de notre min­istre est de généraliser la pre­mière langue dès le CP. Enseignée par les pro­fesseurs des écoles, cela ne coûte rien. Cela fait des années qu’on enseigne les langues en pri­maire, mais là encore, quand les enseignants parvi­en­nent à leur con­sacrer deux heures heb­do­madaires ils ont de la chance, et la réforme des rythmes sco­laires n’a rien fait pour les aider…

Le risque d’une école à deux vitesses

Dans cer­tains col­lèges comme le mien, c’est l’existence de ces fil­ières pré­ten­due­ment éli­tistes qui per­met de main­tenir une cer­taine mix­ité sociale et de con­tenir la fuite vers l’enseignement privé… Les abolir est la meilleure façon de sceller un sys­tème à deux vitesses avec l’école publique d’un côté, ne pro­posant qu’un enseigne­ment a min­ima, et l’école privée de l’autre, bien plus libre de ses choix et pou­vant con­tin­uer à soutenir l’enseignement des langues.

Enfin, quid des promesses au plus haut niveau de l’état de pro­mou­voir la langue du parte­naire alle­mand? Madame la Min­istre se souvient-​elle que l’on fête chaque année dans nos étab­lisse­ments la journée franco-​allemande? S’il ne reste que six heures d’allemand heb­do­madaire dans mon col­lège, mon poste dis­paraît et je devrais me partager entre trois étab­lisse­ments, ce qui com­pro­met vive­ment tous les pro­jets que je mène avec mes élèves. Et tous mes col­lègues de col­lège seront dans le même cas.

J’ai passé l’agrégation l’année dernière. Avec cette réforme, je peux enter­rer défini­tive­ment mes espoirs d’obtenir un jour un poste en lycée. En revanche je serai payée à un salaire supérieur pour enseigner à un niveau de débu­tant jusqu’à la dis­pari­tion totale de l’allemand de nos écoles».

Source : L’express — 26 mars 2015

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